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Le moulin de Saint-Samson

Saint-Samson est le plus important des moulins du Loiret. Il était déjà présent au début du Moyen Âge. Avec ses deux roues, il servait à filer le drap et à moudre le grain. Il est vendu en 1925 à la famille d'Illiers, qui l'équipe d'une salle des machines et utilise les roues pour alimenter en électricité son château de la Fontaine et son moulin de Saint-Julien situés de l'autre côté de la rivière. Le moulin a inspiré bien des artistes peintres et poètes.

Informations annexes au site

Saint-Samson, le plus important des moulins du Loiret

« Ce moulin est un des doyens du Loiret ; ses éperons protecteurs contre les inondations et ses hautes murailles grises lui donnent l’aspect d’une forteresse. Avec le moulin de Saint-Samson et la chaussée sur laquelle il est édifié s’achève la première partie du cours du Loiret. Avant d’aller plus loin, si le promeneur parvient jusqu’ici par une belle soirée d’été, qu’il se retourne et regarde encore le lac tranquille qu’il vient de parcourir, les frondaisons du coteau, la ligne hardie formée par la terrasse du Poutil, et, là-bas, à demi cachées par les arbres, quelques arcades du pont d’Olivet qui se reflètent et se doublent dans l’eau. Est-il paysage plus aimable et plus digne du Jardin de la France ? » Presque rien n’a changé dans ce merveilleux tableau, dû à la plume de notre historien olivetain, Louis d’Illiers alors qu’il était président du tout nouveau Comité d’Initiative et des Fêtes d’Olivet créé en 1926.

Mais qui était saint Samson ?

Saint Samson, évêque de Dol au VIe siècle, est l’un des sept saints fondateurs de Bretagne. Mais pourquoi notre moulin olivetain porte-t-il le nom de ce saint breton ? Eh bien, c’est une très vieille histoire… Il existait à Orléans, bien avant l’an Mil, une abbaye de chanoines, sous le vocable de Saint-Symphorien dont l’église abritait des reliques de saint Samson : au VIIIe siècle Menon, qui était alors évêque de Dol, avait transporté à Orléans les reliques du saint patron de sa ville pour les mettre à l’abri dans l’église Saint-Symphorien pendant les invasions normandes. Lorsque, le calme revenu, il était revenu chercher les reliques pour les rapatrier à Dol, il en avait laissé une partie aux chanoines de Saint-Symphorien pour les remercier. Et les paroissiens avaient pris l’habitude d’appeler leur église Saint-Samson, tant et si bien que le vocable primitif de Saint-Symphorien était tombé dans l’oubli.
Le roi Louis VII, à son retour de croisade en Terre Sainte, ramena avec lui quelques religieux, des chanoines réguliers augustiniens de Notre-Dame du Mont-Sion de Jérusalem, dont il avait apprécié la grande piété et le dévouement. Il les établit en 1152 à Orléans dans l’abbaye de Saint-Symphorien (qui avait entre-temps pris le nom de prieuré Saint-Samson). Placée sous la haute protection du roi et du pape, cette petite communauté reçut, dès son établissement, de nombreuses donations en terres et en rentes. À Olivet elle jouissait d’une maison entourée de quelques arpents de vignes et du moulin qui dès lors allait prendre le nom de moulin de Saint-Samson.

Des chanoines, des soldats et des Jésuites au moulin

Rapidement les chanoines de Saint-Samson s’occupèrent de développer leurs possessions olivetaines : équipé de deux roues, leur moulin à blé, loué à un meunier, était l’un des plus importants du Loiret, et les chanoines y avaient ajouté un moulin à foulon (c’est-à-dire à fouler les draps[1]) qui devait fonctionner jusqu’au milieu du XVIIe siècle. Ils avaient fait l’acquisition de nombreuses parcelles en bordure du Loiret depuis la Quétonnière jusqu’à la chaussée de la Mothe, ainsi que des droits de pêche. Ils s’intéressaient aussi à la vigne et s’étaient composé un vignoble en rachetant des petits clos aux environs du moulin, sur la rive sud du Loiret. Ils rachetèrent aussi, aux religieuses du monastère de Voisins à Saint-Ay, les « aubrayes » (c’est-à-dire des plantations d’aulnes) qu’elles exploitaient près du moulin. Dans la foulée, les chanoines avaient construit deux petites maisons près du moulin pour pouvoir y surveiller leurs biens. Ils étaient ainsi les seigneurs de cette portion du Loiret.
À la fin du XVIe siècle, le moulin de Saint-Samson devait connaître des années mouvementées : pendant la Ligue, il fut transformé en fortin abritant une petite garnison, au grand dam du meunier Marin Proust qui, ne pouvant plus faire tourner son moulin, résilia son bail.
En 1619, le prieuré Saint-Samson et tous ses biens passaient aux mains des Jésuites, fondateurs du Collège d’Orléans et qui, nouveaux propriétaires des lieux, allaient gérer au mieux de leurs intérêts le moulin et les vignes d’Olivet, jusqu’en 1764 – date à laquelle leur ordre fut supprimé. Après le départ des Jésuites, toutes leurs propriétés ont été conservées par le Collège d’Orléans, qui entreprit en 1777 la reconstruction du moulin alors en très mauvais état. Peu de temps après, en 1781, l’intendant de la province, M. de Cypierre, intervint auprès des régents du Collège pour faire transformer le mécanisme de leur moulin : il voulait y faire laminer les métaux pour alimenter l’atelier de la Monnaie d’Orléans. Malgré son insistance et l’intervention du ministre des Finances M. de Calonne, les régents refusèrent de modifier leur moulin : moulin à farine il avait toujours été, et moulin à farine il resterait…
À la Révolution, les biens du Collège sont confisqués et mis en vente comme « biens nationaux ». Le moulin est racheté en 1796 par le sieur Desilles, directeur de l’Enregistrement à Orléans, puis par Jules Gautier, le fastueux propriétaire de la Quétonnière, qui le remet en état et le surélève d’un étage, lui donnant l’allure que nous lui connaissons aujourd’hui. A la fin du XIXe siècle, ce sont les meuniers exploitant cet important moulin (il avait deux roues) qui en deviennent propriétaires, jusqu’en 1925, date à laquelle l’activité de meunerie cesse.

 

[1] L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert décrit ainsi l’opération du foulonnage : « Le drap ainsi énoué et nettoyé de ses plus grosses imperfections est porté à la foulerie (moulin à foulon) pour le dégraisser avec une espèce de terre glaise épurée et détrempée dans l’eau qu’on met dans le drap qui est foulé jusqu’à ce qu’il paraisse suffisamment débarrassé de sa graisse. »

Passerelles et pont de Saint-Samson

Une tradition conservée à Olivet jusqu’à la fin du XIXe siècle voulait que la chaussée de Saint-Samson ait été construite par les moines dès le VIe siècle. En effet dès cette époque, une étroite chaussée de terre aménagée entre des pieux et des fascines de branchages pour créer un tout premier moulin (appartenant alors au Roi), permettait aux habitants le passage d’une rive à l’autre. Lorsque le moulin fut donné par le Roi au prieuré Saint-Samson, les chanoines allaient veiller jalousement aux usages de « leur » chaussée, qu’ils ont entretenue, consolidée et élargie jusqu’à ce qu’elle devienne ce chemin bordé d’arbres qu’elle est aujourd’hui. Pour franchir les chutes et déversoirs, des passerelles de bois prolongeaient la chaussée devant les bâtiments du moulin ; et les religieux n’en donnaient qu’exceptionnellement l’accès. Les riverains étaient la plupart du temps obligés de traverser en barque.
Par la suite, les habitants purent plus facilement emprunter la chaussée et la passerelle. Mais jusqu’à la guerre de 1914, une grille fermée tous les soirs empêchait les promeneurs d’emprunter la nuit la passerelle de Saint-Samson. Détruite en 1944 pendant les combats de la Libération, la passerelle a été remplacée par un solide pont de bois, dont la Ville d’Olivet se charge de l’entretien, et qui est aujourd’hui emprunté par la plus jolie des promenades au bord de l’eau qui soit…