Parcours patrimoine

Les secrets du château de la Mothe

Scellé dans le mur de soutènement du jardin de la Mothe, un bas-relief intrigue plus d'un promeneur. En 1820, le propriétaire du château de la Mothe venait de subir une drôle d'aventure. Une maison qu'il possédait à Orléans s'effondre soudainement. Il récupère dans les décombres un manteau de cheminée orné d'un décor renaissance représentant trois scènes. Des amazones à cheval terrassant un guerrier ; un combat d'hommes nus armés de massues et de boucliers ; une marche triomphale de guerriers en costume romain. Il le fait encastrer dans le mur de son jardin de la Mothe...

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Dans l'écrin de ses jardins disparus

L’hôtel de la Mothe (dont les archives remontent au début du XVe siècle) fait partie des tout premiers petits châteaux élevés au bord du Loiret, au milieu des vignes du coteau : de vieux actes nous apprennent que vers 1400 il appartenait à Pierre de la Mothe, puis à ses enfants. « C’était alors – nous raconte Louis d’Illiers – un fief comportant moulin et pigeonnier dont les terres partagées en vignes et en jardin ne devaient pas comprendre plus de 3 à 4 hectares. En 1463, ce fief appartenait à deux propriétaires : Hugues de la Vignole et Michel Juette. Le premier vendit le moulin aux religieuses de la Madeleine en 1465. Le second vendit ou légua la maison et les vignes à un magistrat de Rouen, Richard Nepveu, qui était d’origine orléanaise et dont la fille Catherine entra au couvent des Bénédictines de Saint-Avy près de Châteaudun, apportant le domaine en dot spirituelle à son monastère en 1505. » On prit alors l’habitude de désigner le domaine appartenant au monastère dunois sous le nom de Mothe-Saint-Avy.
Mais les religieuses, trop éloignées de cette terre, préférèrent la louer en 1576, pour quatre-vingt-dix-neuf ans, à Michel Daniel, sieur de la Mivoye qui en exploita les vignes. Elles en restèrent toutefois propriétaires jusqu’en 1646, jusqu’à ce qu’elles la vendent à Claude Bouquin, avocat au Parlement. C’était alors une modeste maison de vignes, qui remontait au Moyen Age : « un corps de logis composé de deux chambres basses, deux chambres hautes et un grenier au-dessus », ainsi qu’il était indiqué dans l’acte de vente. Mais son vieux pigeonnier (qui devait être rasé au XIXe siècle) lui conférait le statut de fief.
Claude Bouquin et son épouse, qui en sont restés propriétaires jusqu’en 1709, entreprirent de gros travaux pour aménager le coteau qui tombait presque à pic sur la rivière et créer un jardin en terrasses, souligné de balustrades et de charmilles. L’un des attraits de ce jardin était les belles sources qui coulaient en contrebas de la demeure, mais qui appartenaient alors aux religieuses de la Madeleine. La propriété prit le nom de son fastueux propriétaire et devint la Mothe-Bouquin. Ce Claude Bouquin a laissé le souvenir d’un procédurier acharné : il adorait la chicane, multipliait les procès et compliquait à plaisir les affaires. Par exemple, vers 1667, alors que les Intendants d’Orléans cherchaient à taxer les ilots, les berges, les bacs, les chaussées du Loiret, pour faire rentrer des écus dans les caisses du roi, Claude Bouquin se saisit du dossier et s’en donna à coeur joie, accumulant les documents, embrouillant tout, tant et si bien que, trente ans après, l’affaire était au point mort. Et en 1696, les prétentions des Intendants étaient reconnues comme nulles et non advenues ! Les propriétaires des bords du Loiret étaient ravis !
Le château aux lignes classiques, orné d’un fronton triangulaire, est dû au propriétaire suivant, François Sarrebourse de Mondonville, et à son épouse Anne Colas des Francs, qui firent reconstruire, à partir de 1730, l’antique bâtisse du XVe siècle et embellirent encore le jardin d’origine. Sur la balustrade du perron on peut voir les armes de François Sarrebourse de Mondonville (une croix pattée). Sous ce château du XVIIIe siècle, existe toujours une cave voûtée d’ogives, vestige du bâtiment primitif du XVe siècle.
Au milieu du XIXe, le château et son parc avaient encore une allure très romantique, si l’on en croit cette poétique description dans Le Loiret et ses rives, 1868 : « Après avoir amarré notre embarcation aux pieds d’un vieux pêcheur vêtu de noir que nous rencontrons chaque jour, nous gagnons, par un sentier dans la prairie, le château de la Mothe-Bouquin, perché sur la hauteur comme un nid de vautour. Avec ses allées ombreuses qui forment un fourré verdoyant, ses pentes accidentées, ses fontaines qui jaillissent dans des roches abruptes, ses vieux sycomores bardés de gui et ses eaux murmurantes, il excite une rêveuse
admiration.
» Ce parc, resté propriété des descendants de Jacques Didier, a conservé son dessin classique jusque dans la première moitié du XXe siècle.
Racheté par les Domaines en 1952, le château avait été loué aux Américains, lors de leur installation à Olivet dans le cadre de l’OTAN à partir des années 1950. Les officiers américains installèrent alors leur cercle au château de la Mothe, tandis que dans le parc furent élevées des constructions neuves pour loger une partie d’entre eux.
Après le départ des troupes américaines, Le château et ses belles dépendances ont été achetés, le 27 août 1970, par la municipalité olivetaine qui décide d’implanter dans le parc une maison de retraite inaugurée en 1977. Le château, quant à lui, restait inutilisé et inhabité.
En 2013 la ville d’Olivet décide sa mise en vente : les dépendances sont acquises par l'École régionale des travailleurs sociaux, et le château par un particulier.