Parcours patrimoine

La Plaine des Béchets

La plaine des Béchets occupe une île de 5 hectares au milieu de la rivière. Aujourd'hui cet espace naturel a été aménagé en plaine de loisirs. Dans cet environnement préservé cygnes, foulques, canards, hérons, aigrettes, oies et poules d'eau s'y sont multipliés. Le martin-pêcheur, qui s'était raréfié, est revenu nidifier dans ce petit paradis de verdure et d'eaux claires. La rivière Loiret historiquement poissonneuse, fournissait à la Belle Epoque les tables des guinguettes en ablettes, goujons, gardons et carpes. Sans oublier les lottes de rivière, anguilles, goujons, brêmes et brochets...

Informations annexes au site

Entre farniente et nature

L’ile des Béchets, qui divise le Loiret en plusieurs bras en face du beau parc de La Fontaine, est depuis 1988 protégée en tant que site naturel remarquable, dans un cadre paysager préservé. Elle a depuis toujours été un point de franchissement de la rivière, puisqu’un guet permettait, aux temps les plus anciens, de traverser le Loiret à cet endroit. Si elle accueille aujourd’hui les promeneurs, les amoureux de la nature, les peintres du dimanche, et les enfants qui s’en donnent à coeur joie sur sa poétique aire de jeux, elle était naguère le rendez-vous des sportifs et des pêcheurs…
 

Une course mémorable

La plaine des Béchets était l’un des endroits où la foule se pressait pour voir passer les coureurs à pied de la Course des Trois Sports, une grande première en France. En 1910 en effet, se déroulait pour la première fois à Olivet la « Course des Trois Sports », organisée par la société Nautique du Loiret et ouvert à tous les sportsmen de la région : au programme de cette première course 7 km à vélo, puis 2,4 km à pied, et pour terminer 1,7 km à l’aviron. Dans l’esprit de nos modernes triathlons, les trois courses se disputent sans interruption, avec des juges différents pour chaque discipline. La course à l’aviron étant la dernière, les rameurs ont un rôle essentiel pour enlever la victoire.
Voici le programme officiel de la Course des Trois Sports du 6 août 1911 : « Bicyclette : 8,5 km, départ avenue Candolle, route de Blois, virage au pont Saint-Nicolas, arrivée route d’Olivet. Course à pied : 2,5 km ; les coureurs quitteront la route d’Olivet pour suivre les bords du Loiret, en passant devant le Moulin des Béchets, ils contourneront le parc du château de la Fontaine où le chemin sera tout tracé jusqu’à Robinson, où ils devront trouver leur bateau et s’embarquer. Aviron : 1,7 km, Robinson, virage autour de l’ile du pont d’Olivet, arrivée. » Et il était précisé dans le règlement : « Les entraineurs et les soigneurs seront autorisés pour la course à pied seulement. Les bateaux pourront être à banc fixe ou à coulisse, sans barreurs, au choix des concurrents, qui devront l’indiquer en s’inscrivant. »

Pêcheurs et poissons

La pêche en Loiret a été, pendant des siècles, une ressource complémentaire importante pour les habitants de ses rives. En 1647, dans son Histoire de l’église et diocèse, ville et université d’Orléans, Symphorien Guyon disait déjà que le Loiret était le paradis des pêcheurs : « Cette petite rivière est fort poissonneuse : on y pêche des brochets, carpes, anguilles, gardons, plies, saumons, truites, et plusieurs autres poissons, qui sont fort salubres, nourrissants et agréables, à cause de la bonté des eaux pures et coulantes, sans aucun mélange d’herbes bourbeuses et limoneuses. »
Les pêcheurs, à la Belle Epoque, fournissaient abondamment les tables de guinguettes, qui avaient leurs fournisseurs de poissons attitrés, comme Jules, le pêcheur de Paul Forêt : « N’oublions de mentionner que c’est à l’établissement Forêt qu’appartient Jules, le canotier-pêcheur, bien connu des riverains. Cet homme est, dans son genre, un type et un artiste ; il n’abandonne l’aviron que pour prendre le filet qu’il manie avec la même habileté ; il passe sa vie entre le ciel et l’eau, et il a pour le Loiret qu’il ne quitte jamais, une tendresse égale à celle de Quasimodo pour Notre-Dame de Paris. » (H. Deslignières, Le Loiret et ses rives. Fêtes sur l’eau, 1868)

Ces pêcheurs professionnels pêchaient à « l’épervier », un filet de forme conique ou en entonnoir attaché à une corde, que l’on jetait au loin dans la rivière. La pêche au carrelet utilisait un grand filet carré mis à l’eau à partir d’une barque. Quant aux pêcheurs amateurs, ils pêchaient à la gaule, du rivage ou, très confortablement du balcon de leur petit chalet, au-dessus de leur gare à bateaux. Ainsi, une prise conséquente avait eu les honneurs de la presse en septembre 1898 : M Henri Deschamps, propriétaire d’une villa sur les bords du Loiret pêche, de chez lui, un brochet de 13 kg et long de 1m10 !

Les poissons du Loiret, spécialités des guinguettes

Le plat emblématique est bien sûr la matelote, ainsi dénommé, disent les vieux dictionnaires, parce qu’il s’agit « d’un mets composé de plusieurs poissons apprêtés à la manière dont les matelots la préparent. » Remarquons que Paul Forêt, le grand spécialiste des matelotes, mettait résolument deux t à son enseigne (A la bonne matelotte) ! C’est à Olivet, avec les poissons du Loiret, qu’on préparait les meilleures matelotes, comme le constatait en 1840 Touchard-Lafosse dans sa Loire historique, pittoresque : « C’est un bourg essentiellement aristocratique : vous y rencontrerez à chaque pas des maisons construites avec une
élégance visant à la coquetterie, des jardins charmants, des guinguettes bien décorées où l’on vous sert les meilleures matelotes du pays.
»
On préparait surtout la matelote d’anguilles (qui abondaient entre octobre et février), avec des petites anguilles barbotant un quart d’heure à peine dans un bain frémissant de vin rouge bien parfumé d’oignons, d’ail, d’échalotes, d’un bouquet garni et d’un verre de marc ; on lie la sauce d’un peu de beurre manié, on coiffe le tout de quelques écrevisses (prises à la balance ou au fagot) et on savoure brûlant. On préparait aussi la bouilleture, version plus riche de la matelote, cuite lentement dans du vin blanc du pays, avec des champignons, des oignons et des pruneaux, et un bon ajout de crème fraîche en fin de cuisson.
On préparait aussi fréquemment la matelote de carpe, poisson qui était aussi très abondant dans notre rivière. Il y avait même eu une Journée de la Carpe organisée par les restaurateurs d’Orléans et d’Olivet le 11 septembre 1933, et qui, nous dit le Journal du Loiret, a connu un franc succès : y participaient M. Domont « Aux canotiers » à Olivet et M. Camille Forêt (le fils de Paul), qui a déclaré au journaliste : « Certains s’obstinent encore à croire que la carpe sent la vase et se mange difficilement à cause de ses arêtes. C’est une erreur et elle nourrit aussi bien qu’un steak. » Il proposa tout un menu spécial carpe : Bouchées de carpe, carpe à l’orléanaise, matelote de carpe, carpe à la juive. Et les deux guinguettes ont fait recette…
Quant à la petite friture, sautée directement du Loiret dans la poêle, elle était l’accompagnement indispensable des fêtes champêtres, des tonnelles et des guinguettes, toujours arrosée d’un pichet de vin blanc du cru : ablettes, goujons, gardons, juste pêchés, trempés dans du lait, roulés dans la farine puis plongés dans l’huile très chaude, que l’on mange tout croustillants avec les doigts et de grandes tranches de pain beurré…